Mon vrai nom est Elisabeth d'Adèle Yon (Editions du Sous-sol)

Adèle Yon mène ici une véritable enquête pour comprendre qui était cette arrière-grand-mère, longtemps réduite à un simple nom dans la famille, mais dont, en réalité, on ne savait rien. Parler de cette femme a toujours été tabou, et l’autrice tente de percer le mystère de celle que l’on appelait Betsy.

Était-ce une jeune femme qui dérangeait ? Qui vivait à contre-courant ? Ou qui se sentait étouffée dans un milieu étriqué, alors qu’elle rêvait d’un monde plus vaste ? On comprend qu’avant de devenir un tabou familial, la jeune Betsy aspirait à autre chose. Elle a pourtant été très vite enfermée dans un rôle : d’abord fiancée, puis épouse, puis mère. En voulant s’affirmer, elle a révélé les limites d’une époque et d’un milieu bourgeois dans lequel les femmes devaient rester à leur place, ne pas faire de vagues et faire semblant que tout allait bien. En tentant de sortir d’une case prédéfinie, Betsy s’est heurtée au pouvoir social dominant de son époque — et de son mariage.

L’autrice décortique le passé, s’appuie sur des témoignages oraux et des documents écrits pour comprendre de quoi son aïeule aurait pu souffrir. Car Betsy était traitée comme une malade, alors que son état pourrait s’expliquer par une dépression passagère, un post-partum difficile ou par une situation conjugale devenue invivable.

Cette lecture est à la fois passionnante et bouleversante. L’autrice rend hommage à cette femme que tous ont voulu faire taire, mais à qui elle redonne une voix pour raconter, même de manière fragmentaire, son histoire. Et en même temps, on ne peut qu’être révolté devant l'histoire de cette femme enfermée, que personne n’a jamais vraiment cherché à comprendre, que l’on a lobotomisée (elle fut d’ailleurs la première femme en France à subir cela), et à qui on n’a jamais laissé la possibilité de s’exprimer. Jugée inapte par la société, elle fut considérée comme telle par sa famille, et jusqu’à sa propre descendance.