L'enragé de Sorj Chalandon (Editions Grasset)

L'écriture de ce roman est très entraînante et l'auteur réussit dès le départ à nous mettre dans le contexte et à comprendre le narrateur. Julien Bonneau dit La Teigne à une rage en lui qui est perceptible et compréhensible. Abandonné à une institution correctionnelle à Belle-Ile en Mer dès le début de son adolescence, son avenir était malheureusement déjà tracé pour lui. Face aux sévices et réprimandes au sein de l'institution, qui s'apparente plus à une sorte de prison pour jeunes délinquants, la rage et la vengeance ne peuvent qu'habiter les détenus.

En plus de cela, le nom de famille de La Teigne sonne comme celui d'un celui de l'anarchiste Jules Bonnot* qui a défrayé la chronique quelques années auparavant. L'homonymie lui permet de retenir son nom bien que ce récit soit fictionnel mais qui s'inspire de faits réels, à savoir l'évasion de 50 jeunes du bagne de Belle-Ile en août 1934. L'évasion est bien réelle, tout comme le personnage principal à qui Sorj Chalandon a donné la voix pour lui laisser une chance de nous donner sa propre vision des faits.

Sans rien divulguer, La Teigne a réussi à être l'un des seuls évadés à ne pas avoir été capturé malgré la traque mise en place dans l'île pour retrouver les jeunes évadés. De sa vie en cavale, on en apprend plus sur le contexte historique et politique de l'époque, avec un clin d'oeil à un jeune poète qui est de passage sur l'île. La vie de ce jeune homme n'aura pas été facile mais sera marquée par son courage et sa volonté de s'en sortir dans un contexte qui ne lui était pas favorable.

Sorj Chalandon réussit ici à nous rendre attachant un personnage qui ne l'était pas de prime abord. On peut réellement saluer la maîtrise parfaite de cette écriture qui nous tient jusqu'à la fin. Un sans faute malgré un dernier tiers du roman qui part un peu tout azimut car différents sujets sont traités (bien trop) rapidement.

* Jules Joseph Bonnot est un anarchiste et criminel français, né le 14 octobre 1876 à Pont-de-Roide (Doubs) et mort le 28 avril 1912 (à 35 ans) dans le 4e arrondissement de Paris. Il est le meneur de ce que la presse appela la « bande à Bonnot », un groupe illégaliste ayant multiplié les braquages et les meurtres en 1911 et 1912 (source : Wikipedia)


Minouchka

Lu dans le cadre du Prix Landerneau des Lecteurs 2023



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