2 de l'heure - Nejma Brahim (Edition Seuil)



Une enquête menée sur des individus invisibilisées par la société, à la fois par leur poste mais surtout par le fait qu'ils n'existent pas, en tout cas au sens administratif du terme car on parle principalement de sans-papiers. Les sans-papiers est un terme fourre-tout qui a une connotation plus ou moins négative selon par qui il est utilisé et surtout les fins qu'il sert. Ici, il n'est pas question de rentrer dans un débat de pour ou contre mais de montrer que derrière ce terme se cache des êtres humains avec des parcours qui n'ont rien de singulier.

Nejma Brahim, journaliste chez Médiapart, enquête sur les conséquences sur le travail des sans-papiers dans la société française. Contrairement à l'imaginaire collectif, les personnes se retrouvant sans aucune identité valable ne le sont pas parce qu'elles le souhaitent. On découvre ici que le système français laisse faire par manque de moyens dans les préfectures mais surtout pour respecter des quotas annuels de régularisation. Mais derrière ces faits, des milliers de personnes se retrouvent privées de leur vie et doivent composer pour continuer de boucler les fins de mois.

Ainsi derrière un terme flou et vague, se cache une multitude de parcours de vie. Il y a des personnes ayant fui leur pays pour un avenir meilleur jusqu'à celles venues poursuivre leurs études et qui se retrouvent bloquées dans une situation de non droit où la peur prime, tout comme un avenir incertain à la clé. Mais ce qui est révélé ici, c'est que cette situation est exploitée par certains, surtout dans les secteurs où il est difficile de recruter pour cause de pénibilité. Ainsi chaque jour, des hommes et des femmes travaillent en toute illégalité, sans sécurité sur leur lieux de travail mais surtout pour un salaire bien en-deçà du minimum légal – quand ils arrivent à se faire payer. Toute une économie parallèle existe et elle n'est pas cachée car ces personnes oeuvrent dans des secteurs visibles. Ce qu'on apprend est que certains travaillent "au noir" mais qu'un autre phénomène existe, celui des travailleurs sous alias. Ces derniers utilisent les papiers d'un autre (avec sa complicité) pour pouvoir travailler sans jamais cotiser pour eux mais seulement pour leur prête-nom.

Cette lecture montre surtout que ces personnes inexistantes sont exploitées à la fois dans le monde du travail mais aussi par certaines autres non scrupuleuses. Cela crée une dépendance et une vie à la marge alors que ces individus travaillent et créent de la valeur pour la société française qui ne veut/peut pas les reconnaître. Certaines actions sont mises en place, notamment côté associatif, mais on montre que derrière chaque victoire se cachent des dossiers en attente de régularisation.

Une enquête qui pousse à réfléchir et qui permet surtout de donner une voix à ceux qui en sont privés et de montrer que leur présence est visible même s'ils ne sont pas reconnus administrativement parlant.


Minouchka



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